REFLEXION D’AVENIR
AVRIL 1988
CARRE BENOÎT
Contenu
1) Evolution vers un produit médiatique. 4
3) Evolution du suivi médical 5
III. Le sport cycliste : présentation des structures dans le monde. 6
1) RDA – Un cyclisme riche autant que futuriste. 6
2) URSS – l’ours est presque debout. 7
3) Pologne et Tchécoslovaquie. 7
1) RFA et Danemark – la piste reine. 8
2) Grande-Bretagne, Belgique, Pays-Bas – le temps des vaches maigres. 8
3) Italie – magique comme le nom de Coppi. 9
1) USA et Canada – lentement mais sûrement. 9
I. Introduction
1) Le sport : généralités
« L’homme est un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant ».
C’est sans doute pour cela, qu’au travers des ères et des millénaires, en dépit de sa relative faiblesse physique, l’être humain s’est montré très vite supérieur aux autres espèces animales. Pour survivre dans une nature le plus souvent hostile, il lui a fallu utiliser au mieux, non seulement ses capacités d’intelligence et de réflexion, mais aussi les ressources de son corps dont il a développé peu à peu la force, l’endurance et la souplesse.
Pour assurer sa survie et conquérir sa nourriture, il a franchi des obstacles et affronté des ennemis. Peu à peu, il a pris goût à ces activités au point de s’y livrer plus tard pour le seul plaisir de la performance et de la compétition.
Telles furent, étalées sur des siècles, les origines et les premières manifestations du sport.
Dès l’antiquité, et dans tous les types de civilisation, en Chine comme en Grèce ou chez les Antiques, les exercices physiques perdirent rapidement le caractère militaire ou religieux de leur début pour ne plus être qu’une distraction puis un moyen d’éducation. Et c’est surtout au 19e siècle que la pratique des sports s’organise et se systématise : c’est l’époque où naissent les clubs et les fédérations.
En 1886, les Jeux Olympiques modernes, symbole entre les symboles, sont créés. D’abord réservé à une minorité, le sport devient de plus en plus populaire au point qu’aujourd’hui il est reconnu d’utilité publique.
2) Le sport cycliste
Par ses caractéristiques même et du fait qu’il suppose un matériel sophistiqué et coûteux, le cyclisme occupe une place bien à part dans le contexte général sportif. A son origine, l’invention de la bicyclette par Pierre Michaux en 1861. Très rapidement ce moyen de locomotion devient un moyen de compétition puisque les premiers clubs cyclistes sont fondés en 1868 et que dès l’année suivante, la première course est organisée.
Cela eu lieu entre Paris et Rouen et le vainqueur en fut l’Anglais James Moore. Puis en 1903, fut organisé le 1er Tour de France, mot magique qui pousse au rêve et dont l’audience, en dépit et au-delà des contingences de l’époque ne cesse de grandir. C’est qu’en effet, le Tour de France est un film en couleur et en reliefs dont les images mouvantes et souvent émouvantes font naître des passions ; il est le génial trait d’union entre le temps révolu de la lampe à huile et des lendemains aléatoires et préoccupants de la robotisation.
Sur fond de bouleversements mondiaux, le sport et le sport cycliste sont en pleines mutations. Pour ces raison et en cette année ô combien importante (année Présidentielle, année olympique et vue sur l’Europe de 92), une réflexion s’impose.
II. Le sport cycliste : son évolution dans le monde
Quel chemin parcouru depuis ce jour de 1896 où des gentlemen en complet veston se retrouvèrent Porte de St Cloud, pour se rendre « velocipediquement » à Rouen. Les rares photos qui témoignent de l’événement firent sans doute sourire les ignorants, mais les initiés éprouvent un grand respect pour ces gens-là et leur performance du moment, réalisée avec un matériel et dans des conditions qui n’ont plus rien de commun avec ce que l’on connaît aujourd’hui.
1) Evolution vers un produit médiatique
En effet en un siècle, le sport cycliste a évolué en grandissant. Il a connu les problèmes de l’enfance, les tourments de l’adolescence, les changements de la vie d’adulte au point d’être aujourd’hui victime et porteur d’un certain nombre de contradictions. Aussi il faut constater les nombreuses tentatives de récupération dont il a été l’objet depuis le jour de sa naissance.
Les médias ont su saisir là une source de succès jamais démentie car ce sport dur et vrai, fait de moments sans concession, de douleurs, de joies, de victoires légendaires et de son lot de surprises.
Aussi les hommes politiques de tous régimes, les gens de scène et les notables « se battent » pour remettre le bouquet au vainqueur et « figurer sur la photo » comme on dit. Un sondage révélait il y a 15 ans que 12 millions de personnes assistaient au passage du Tour de France : qui dit mieux ?
2) Evolution du matériel
Quel chemin parcouru également dans l’amélioration du matériel lui-même. Certes, le principe du vélo, moyen de locomotion n’a pas changé, mais l’outil, en tant que tel a considérablement évolué, résultat de patientes et surprenantes recherches. L’instrument a eu de tous temps ses pionniers, ses chercheurs, stylistes, tous passionnés de haut niveau.
Il est, au fil des décennies, devenu plus léger, plus solide, plus beau. L’apparition et l’utilisation pour sa construction, de matériaux modernes ont permis de constants progrès : c’est d’abord sur le poids que les gains les plus sensibles ont été réalisés, en réduisant celui-ci de moitié (actuellement environ 10 kg).
Toutes les pièces détachées, tous les accessoires ont fait et continué d’être l’objet de recherches approfondies et très poussées technologiquement. Mais ce que l’on gagnait en poids, on risquait de le perdre en rigidité. Sur ce point également des avancées ont été faites, si bien que maintenant, le pratiquant a à sa disposition des vélos tout à la fois plus légers et plus rigides qu’auparavant. Dans le même temps, des travaux très méthodiques eux aussi continuent d’être menés en matière d’aérodynamisme, par le biais d’études en soufflerie. L’on atteint là le domaine de la recherche ordonnée, scientifique qui se fait avec l’ordinateur. Rien aujourd’hui n’est découvert, amélioré, mis en œuvre par hasard. Le matériel s’améliore parce qu’il est le fruit d’un examen systématique, fonctionnel, fondamental, peut-on dire, comme en matière de médecine.
3) Evolution du suivi médical
Mais l’instrument n’est pas seul à occuper l’attention du chercheur, du préparateur, du constructeur. Celui qui l’utilise, c’est-à-dire le cycliste, est aussi l’objet d’un constant souci d’amélioration. Cela a commencé, il y a bien longtemps avec l’alimentation, puis la diététique. Chacun sait que le sportif se doit, pour améliorer sa performance, d’avoir une alimentation correcte et équilibrée. Certains plats, mets, boissons, lui sont fortement déconseillés, voire interdits.
Pour le coureur cycliste, cela va plus loin : c’est le grand champion italien Fausto Coppi qui, le premier, a innové en matière de diététique. Depuis l’idée a fait son chemin au point que, de nos jours, le régime alimentaire du coureur cycliste est quelque chose de bien défini et de très restreint. Sur ce plan également, des recherches continuent d’être menées et il est certain que de nombreuses améliorations, dont on n’a pas encore idée aujourd’hui, seront apportées.
Dans le même temps, ce que l’on appelle le « suivi médical » a pris une importance croissante. Il y a seulement 10 ou 20 ans, le coureur cycliste, même du meilleur niveau, en faisait l’objet d’aucune attention particulière. L’on s’est alors aperçu que dans un sport aussi difficile et exigeant physiquement que le vélo, être ce que l’on appelle habituellement « en bonne santé » ne suffit pas, car ici, la santé n’est pas seulement l’absence de maladie. C’est une disponibilité du corps et de l’esprit pour l’effort et le progrès. C’est un ensemble de qualités positives et il faudrait pour le désigner, inventer l’antonyme du mot maladie.
C’est la raison pour laquelle est apparue une spécialité reconnue par la Faculté, la « médecine sportive » ; des praticiens en ont fait leur spécialité. Ainsi à tout moment de la saison, un coureur cycliste peut connaître ses capacités et son degré de forme. Il lui suffit de se soumettre à une série de tests ( ? max, test ruffier, électro-cardiogramme…) qui lui indique ses forces, ses faiblesses, ses possibilités du moment, ses points à travailler mais aussi les manières pour progresser.
Parallèlement et dans le même but, sont à la disposition du cycliste, un certain nombre d’appareils portable susceptibles de fournir pendant l’effort, les renseignements et les paramètres lui permettant de s’améliorer de la manière la plus rationnelle possible.
A travers ces évolutions, il est aisé de constater que le cyclisme moderne n’a plus rien de commun avec cet aimable divertissement qu’était le vélocipède du siècle dernier. A l’heure actuelle, l’athlète fait l’objet de recherches et d’études approfondies qui n’ont pour but que l’amélioration de sa performance. Certes l’on peut pour la beauté du geste, regretter cela. Mais s’il est une chose qui est sûre, ce sont bien les faits : pour rester compétitif au plus haut niveau, il faut précéder et imposer le mouvement. Car quand on ne fait pas tout pour devenir le premier ou pour le rester, on ne demeure pas le deuxième, on se trouve facilement le dernier ; telle est la loi du sport en général, du cyclisme bien sûr en particulier.
III. Le sport cycliste : présentation des structures dans le monde
Tout cycliste atteignant le niveau international est le produit d’une politique d’initiation. Et plus encore comme nous venons de le voir la nécessité d’un entraînement spécifique hypersophistiqué est dispensé dans des centres très fermés. Dans chaque pays industrialisé, de techniciens et des médecins spécialisés veillent sur les compétiteurs haut de gamme avec un soin égal à celui que les ingénieurs des stations spatiales accordent aux fusées.
Chaque gouvernement définit son action de façon à faire passer un message, un produit, une image à travers ses représentations. Ainsi la victoire dans une confrontation a une importance sociale particulière, car elle intervient à la fois dans la formation de la jeunesse et dans les rapports entre les êtres humains. Le prestige rejaillit sur les villes et les nations qu’ils représentent. Pour arriver à cette finalité certains gouvernements encouragent diverses méthodes.
A. Les pays de l’Est
Ils ont défini des structures permettant de façon minutieuse la détection dès le plus jeune âge. Ensuite une spécialisation précoce dans des usines à champions où l’athlète bénéficie de tous les avantages sociaux et de tous les progrès scientifiques. Mais quelques différences existent entre ces pays :
1) RDA – Un cyclisme riche autant que futuriste
Réservoir : élite restreinte
Précocité : la seule nation avec l’URSS à former les meilleurs juniors du monde qui deviendront par la suite les meilleurs seniors. La détection s’effectue de très bonne heure.
Spécificité : le meilleur cyclisme du monde actuellement. L’élite est constituée d’un panachage de jeunes coureurs et de coureurs mûrs. La tactique, l’esprit d’équipe sont portés à la hauteur de ce qui anime les grandes équipes pros. Sur piste comme sur route, on cherche à copier les terribles puncheurs de RDA. A la pointe de l’entraînement moderne comme à la pointe de la recherche d’un matériel parfait.
Entrainement : Charge de travail progressive depuis les juniors. ? Une formation sur la piste en bois l’hiver, de la musculation, du stretching, de la récupération (par des moyens les plus sophistiqués autant que par les plus ancestraux), une médecine sportive d’avant-garde, un mental que l’on cultive comme le reste. Inutile d’aller chercher ailleurs le secret de cette réussite qui n’a rien d’étonnant mais découle de la logique pure. Une sorte de religion le rythme.
Objectif : Dans l’ordre : – la course de la paix – les championnats nationaux (plus durs à gagner qu’un titre olympique ou mondial) – les Jeux Olympiques – le tour de RDA – le mondial – les grandes courses internationales de prestige (Le Loir et Cher faisant partir de leurs objectifs).
Niveau 88 : N’insistons pas.
Relève : Dans chaque spécialité des champions du monde juniors. S’appuyant sur les nombreuses écoles de sport.
Remarque : qu’ont-ils encore à prouver chez les amateurs ?
2) URSS – l’ours est presque debout
Réservoir : énorme (400 000 licenciés).
Précocité : comme en RDA
Spécificité : Probablement le meilleur cyclisme du monde d’ici quelques années. L’élite est jeune. Le potentiel est la ? de progrès semblent énormes (notamment dans la tactique des coureurs). A la pointe de l’entraînement là aussi, mais pour le matériel on préfère l’acquérir à l’étranger.
Entraînement : moins de recherches qu’en RDA. Mais on s’appuie sur des certitudes.
Objectifs : comme en RDA.
Niveau 88 : on passe d’une génération à une autre.
Relève : aucune crainte, d’autres juniors fabuleux pointent le bout de leur nez.
Remarque : de nouveaux entraîneurs ont apporté du sang neuf.
3) Pologne et Tchécoslovaquie
Réservoir : élite très restreinte
Précocité : détection précoce, mais on laisse les jeunes pousses s’épanouir sans trop forcer la mécanique. Ce sont les cyclismes de l’est les plus proches du cyclisme traditionnel.
Spécificité : la Tchécoslovaquie fait actuellement du cyclo-cross une priorité.
Entraînement : tendance conservatrice avec une recherche de la volonté supérieure.
Objectif : comme en RDA plus les tours nationaux.
Niveau 88 : de bons routiers et des pistards en évolution.
Relève : de jeunes espoirs mais pas de surdoués.
Remarque : pour les champions polonais, passer pros après services rendus est une possibilité.
B. L’Europe
Les pays anglo-saxons et l’Allemagne de l’Ouest sont moins systématiques sur le recrutement de base mais s’appuient sur une tradition du sport à l’école et possèdent de grands centres de préparation destinés à l’élite et à la spécialisation.
Voyons chaque pays :
1) RFA et Danemark – la piste reine
Réservoir : élite très restreinte, mais où la quantité est grande.
Précocité : dès le plus jeune âge (école primaire).
Spécifique : les routiers, tous d’anciens pistards.
Entraînement : piste d’hiver et route l’été.
Objectif : les championnats mondiaux et la course de la paix.
Niveau 88 : quelques bons éléments.
Relève : ça tourne rond.
Remarque : en définitive, un pourcentage de réussite plus grand que partout ailleurs.
2) Grande-Bretagne, Belgique, Pays-Bas – le temps des vaches maigres.
Réservoir : des petits pays à l’élite très restreinte.
Priorité : de bons juniors mais ceux-ci disparaissent.
Spécificité : en Belgique, beaucoup de routiers sprinters. Aux Pays-Bas, beaucoup de rouleurs.
Entraînement : piste d’hiver et route l’été.
Objectif : les mêmes que tout le monde.
Niveau 88 : remonte doucement la pente.
Relève : on attend pour juger.
Remarque : tous les cyclismes ont connu ou connaîtront une période creuse.
3) Italie – magique comme le nom de Coppi.
Réservoir : conséquent mais pas fabuleux ; avec des génies ici et là.
Précocité : déniche et forme des juniors compétitifs qui disparaissent par la suite.
Spécificité : des champions amateurs qui ne se confirment pas ; des champions professionnels qui sortent par enchantement.
Entraînement : suivi médical très développé.
Objectif : Mondial et J.O.
Niveau 88 : très brillant actuellement dans les spécialités collectives (contre la montre par équipe).
Relève : spontanée.
Remarque : le plus beau palmarès du monde. Comment dire d’une nation qui dame le pion aux pays de l’Est qu’elle est en régression.
C. Ailleurs dans le monde.
A l’Ouest aussi, du nouveau sur le continent Américain où maintenant les structures existent.
1) USA et Canada – lentement mais sûrement.
Réservoir : deux élites restreintes étroitement mêlées dans les compétitions comme dans les entraînements.
Précocité : des générations motivées sachant dès le plus jeune âge quel objectif elles désirent atteindre.
Spécificité : on se fixe un objectif tel que devenir champion du monde, olympique…Lorsque le but est atteint, les nerfs tombent et ce n’est plus pareil.
Entraînement : on cherche beaucoup dans ce domaine avec quelques années de retard sur la RDA.
Objectif : toujours pareil (J.O. – Mondial…)
Niveau 88 : pas de supers, mais un ensemble de bons coureurs.
Relève : très présente sous peu.
Remarque : les coachs souvent étrangers. Les media américains se mettent progressivement au sport cycliste.
2) Ailleurs dans le monde
Quand la Chine s’éveillera : le cyclisme y est à l’unisson du reste, il s’éveille lentement et commence à être présent dans les compétitions internationales. Cela appelle des lendemains qui, l’on peut en être sûr, seront brillants.
Et un peu partout, dans le monde à Cuba comme en Australie, en Afrique comme en Nouvelle-Zélande, le sport cycliste se développe plus ou moins vite selon les perceptions. C’est un sport en voie de complète rénovation, tant dans le temps que dans l’espace. En quelques dizaines d’années, il s’est dessiné un nouveau visage et l’apport de différents systèmes politiques et sociaux.
IV. Le sport cycliste : évolution et présentation des structures en France.
Cette lente mais inexorable marche en avant fait donc obligation à nos instances nationales, d’évoluer pour s’améliorer : ceci n’est pas malgré les apparences, une mince affaire. La Fédération Française de Cyclisme très conservatrice, peu encline naturellement à la mobilité, à la disponibilité, au changement car elle repose sur des structures anciennes qu’il apparaît malaisé de faire bouger. Et pourtant, c’est bien dans l’adaptation et l’évolution vers un cyclisme moderne et mondialisé que réside la certitude du rayonnement de ce sport.
1) Le réservoir
A l’heure actuelle, un certain nombre de structures sont en place constituant le réservoir national :
La Fédération Française de Cyclisme (FFC) tout d’abord, c’est la maison-mère ; elle régit et contrôle le sport cycliste. Vieille dame installée dans de vieux locaux, on ne la bouscule que très difficilement. Pendant longtemps elle n’a accepté aucune opposition d’où qu’elle vienne et ce n’est que contrainte et forcée par les événements qu’elle tolère aujourd’hui l’existence d’autres organismes :
- l’UFOLEP qui regroupe en son sein les adeptes du sport de masse, pratiquants passionnés mais n’ayant ni les moyens, ni le temps, ni même le désir de consacrer tout au sport. La perception du cyclisme y est moins absolue, mais pas moins agréable pour autant.
- L’UNSS ensuite à l’intérieur de laquelle se situent les cyclistes scolaires et universitaires. On y retrouve tous les jeunes pratiquants scolaires mais le manque de moyens matériels et financiers ne permet pas d’aller très loin. Des championnats scolaires et universitaires sont organisés ; ces compétitions ne sont que modérément prisées. Mais il faut préciser que parfois les enseignants sportifs n’accordent au sport cycliste, très technique et très spécialisé, on doit le reconnaître, tout l’intérêt nécessaire à son harmonieux et complet développement au sein de l’école ou de l’université.
Sur un autre plan, celui des adultes, sont constituées des associations de cyclotouristes ou de randonneurs. L’approche du cyclisme est totalement différente et l’esprit de compétition est ici absent. On y prend le temps de regarder, de découvrir, d’admirer la nature dans le cadre d’une activité de loisir. Tout cela est à l’opposé de la compétition mais le cyclisme de randonnée a ses inconditionnels et représente la masse.
2) La détection
Ainsi donc, chacun, s’il le désire, peut trouver sa place dans la pratique du cyclisme. D’autant qu’une place continue d’être faite à l’initiative individuelle. On peut partir pédaler, seul ou avec des amis, en dehors de toute contrainte à l’heure et à l’endroit qui nous convient. Car le vélo est aussi un extraordinaire moyen d’évasion, de libération. Il est pour l’homme un fantastique désintoxiquant et pour l’enfant une excellente école de la vie. C’est peut-être là une possibilité, afin de régler les problèmes de l’adolescence (conflit, délinquance, drogue…). Pour cela l’influence de l’entourage est importante. Car très souvent les enfants viennent au sport et au cyclisme, en particulier grâce à un proche ou un exemple près de lui.
Pour ma part, la pratique du cyclisme à un très jeune âge a beaucoup influencé ma personnalité. J’habitais alors dans une ZUP. Etant jeune, donc malléable d’esprit, j’aurais pu m’écarter du droit chemin. Mais la fréquentation du monde sportif, puis la pratique ont agi sur mon comportement et m’ont donné une force de caractère. Car j’avais une éducation qui avait répondu à ce qu’attendait un gosse de 11 ans pour passer ses samedis. Ainsi je refusais les sorties nocturnes, du même coup je refusais les premières cigarettes, la drogue, les mauvaises fréquentations. Cela doit être un niveau d’aspiration pour l’éducateur qui avant de fabriquer des champions se doit de former et des hommes capables de lutter dans la vie.
Puis vint le temps des premières compétitions, des premières émotions et plus tard des premières sélections. A ce stade, l’éducateur s’efface et laisse place au CTD et CTR (conseillers techniques régionaux) qui décèlent nos réelles aptitudes et nous permettent de progresser. Je me souviens des déplacements lors de réunions sur piste, les 200 km de trajet paraissaient 50 km. Notre éducateur nous relatait des légendes cyclistes. Nous arrivions gonflés à bloc. Le retour s’effectuant dans les mêmes conditions, nous en oublions presque la somme de sacrifices effectués, mais cela servait de compensation. Nous arrivions fatigués mais déjà motivés pour le prochain déplacement. Les adolescents que nous étions, revendiquaient une identification de la société. Cela posait de petits problèmes vite résolus par l’éducateur qui recherchait une bonne cohésion au sein du groupe.
Si aujourd’hui je suis en 1ère catégorie en cyclisme et passé mon service militaire à l’ASCA, je le dois essentiellement à mes parents pour le soutien quotidien. Mais combien en France ont cette chance ?
Car notre pays souffre du handicap de n’avoir entretenu aucune coutume sportive chez les jeunes. Mais ceci n’empêche pas de déceler quelques champions qui souvent tiennent le rôle de l’arbre qui masque la forêt.
3) Le haut niveau
Manquant de capacité de détection, les instances fédérales ont cependant mis en place des structures pour les athlètes amateurs de haut niveau. Ainsi furent créés des emplois administratifs à mi-temps, le club France, l’INSEP, etc…En conséquence, la notion d’amateurisme est révolue sur le plan matériel car celle-ci ne se résume pas à une affaire d’argent. Elle se définit aussi par la simplicité et le peu de temps passé à l’entraînement. Ainsi les compétitions réservées en principe aux seuls amateurs nécessitent une intense préparation, qui ne laisse aucune place à d’autres activités.
Depuis longtemps à l’étranger, plus récemment en France, nombre de champions ont dû alors contourner ce règlement et encouragés par leur gouvernement, ils ont un métier de façade (étudiants, conseillers techniques, emplois d’état) et consacrent leur temps à leur entraînement. Permettant à l’athlète dans cette situation de ne pas se préoccuper de sa reconversion.
Enfin, aboutissement de beaucoup d’années d’efforts et de rêves d’enfants, le professionnalisme, réservé bien sûr à quelques-uns, situation précaire s’il en est, mais qui continue d’être malgré tout pour un cycliste un extraordinaire dynamisant. Chez « les pros » aussi, des progrès ont été réalisés. Les contrats sont maintenant valables pour 2 ans et ils peuvent préparer leur reconversion.
Or à l’heure où tout change dans tous les sports (grâce aux nouvelles techniques et aux exemples des autres pays), le sport français se doit d’accélérer sa rénovation dans le domaine de la mise en place de structures entre la base et le haut niveau.
V. Le sport cycliste : demain
Ainsi donc, en cette fin de 20e siècle, d’une manière qui peut surprendre, le sport cycliste connaît un formidable engouement. Il est quelques peu victime de son développement, comme un enfant ayant grandi plus vite que prévu. Il est apparemment en excellente santé et pourtant il risque d’être la victime de ses propres forces. Il fait l’objet de tellement de convoitises de tous ordres, dans tous les domaines qu’il convient de veiller sans arrêt sur lui.
Les dangers de son évolution sont multiples.
A. Les dangers
1) La publicité
Elle a fait son apparition, il y a environ 30 ans de manière modeste. A peine quelques sigles de grandes sociétés sur les maillots, mais les fabricants de cycles gardaient malgré tout leur autonomie et leur influence. Et puis, peu à peu le dérapage, puis l’invasion se sont fait jour. L’évolution est probablement inéluctable, car en regardant ici et là, les autres sports font aussi l’objet de ? fantastiques en matière de publicité. A défaut donc de pouvoir annuler le risque, il convient de le maîtriser. La Fédération s’y applique avec bien sûr beaucoup de difficulté, gérant et équilibrant du mieux les tendances et les pressions. L’honnêteté m’oblige d’ailleurs à dire que, pour l’instant elle y réussit assez bien. Certes le « Tour de France » existe et ne peut continuer d’exister que par la publicité mais cette épreuve, qui conserve malgré tout son intégrité et sa qualité sportive, est une épreuve à part.
Pour l’essentiel donc, il faut reconnaître que, contrairement à certains sports, l’impact publicitaire dans le cyclisme n’occulte en rien la performance ni le côté athlétique et sportif. Il est certain cependant qu’il faut être vigilant.
2) Le dopage
Problème que l’on ne peut taire, tant tout le monde en parle. Car qui connaît un peu la compétition cycliste sait que le coureur doit être l’objet, je l’ai déjà dit d’une surveillance médicale attentive et permanente. Or le grand public confond le suivi médical et le dopage. Il faut dire qu’une certaine presse, dans un désir de vendre, a fait du cyclisme son bouc émissaire. Il suffit pour cela de se référer au nombre de contrôles anti-dopage effectués dans les différents sports pour faire 3 constatations. Tout d’abord ces contrôles sont nombreux en cyclisme (9 contrôles sur 10 effectués auprès des coureurs cyclistes). Donc ensuite, la proportion de tricheries est infiniment plus faible ici qu’ailleurs. Enfin, le cyclisme est l’un des seuls sports soucieux de la vérité. IL y a certes des gens peu recommandables, ici comme ailleurs, mais l’acceptation de la mise au grand jour de ces problèmes révélaient le désir, chez la Fédération de faire la place nette. D’autres sports ne peuvent en dire autant, dont l’élite refuse systématiquement ces contrôles (tennis, automobile).
3) La violence
Elle guette le cyclisme comme le sport en général. Car ces excès de violence de toutes sortes commis n’importe où, n’importe quand, pour n’importe quoi, le plus souvent pour rien. A priori ce sport, parce qu’il ne se déroule pas dans un endroit clos, parce qu’il est en mouvance permanente, permet moins que d’autres la brutalité portée à son plus haut niveau au stade du Heyssel où des dizaines de personnes sont mortes victimes de l’imbécilité criminelle de quelques-uns. Cela signifie qu’il ne faut pas relâcher sa vigilance et rester attentif afin d’éviter que naissent des situations qui engendrent l’excès donc forcément le drame.
B. Les lignes directrices
1) La 1ère grande ligne directrice du cyclisme de demain est pour moi : être attentif, veiller à ne pas laisser générer les venins qui empoisonnent le sport de manière fatale.
2) La 2ème ligne directrice consiste non seulement à accepter bon gré mal gré, mais à accepter de nouvelles activités. Le rôle de la Fédération est de comprendre, d’être ouvert à de nouvelles disciplines que sont le bi-cross et le vélo tout terrain. Sans entrer dans le détail, il s’agit d’activités sportives cyclistes pratiques pour l’instant par les jeunes sur des vélos n’ayant pas de points communs avec la machine de compétition traditionnelle. Ces activités ont leurs adeptes, leurs champions et au top niveau, elles allient le sport et le spectacle. Les jeunes y ont leurs idoles. Parce qu’ils sont nouveaux et incomplètement explorés, ils recèlent sans doute d’impressionnantes possibilités de développement.
Il faudra tout à la fois être ouvert et prudent. Mais c’est sans nul doute une des routes de l’avenir avec des spécialités anciennes dont il conviendra aussi de redorer le blason, notamment du cyclisme tombé en désuétude ces derniers temps. La raison en est simple. Il n’y a pas de pistes partout. De plus, posséder une piste est un cadeau empoisonné. Car son entretien coûte cher pour peu de rentabilité. Néanmoins, la tendance actuelle est de rénover les vélodromes existants tout autant que de construire de nouveaux vélodromes. Il serait peut-être bon de construire plus de vélodromes couverts. Cela est certes coûteux, mais nécessaire, quand on sait l’apport précieux d’un tel outil de travail. Il suffit pour cela de regarder autour de nous comment certains pays les utilisent.
3) La 3ème ligne directrice est : que soit effectuée par les instances officielles, sous peine de régression, une prise de conscience des différentes directions à prendre. On ne peut pas tout faire, sous peine de ne rien faire. Il faut donc se livrer en 1er lieu à un travail de réflexion aussi complet que possible, pour définir les options prioritaires et ce dans plusieurs directions.
C. Mes options prioritaires
Il faut savoir qu’une élite est nécessaire au développement d’un sport quel qu’il soit. L’apparition d’une locomotive a toujours des conséquences favorables à tous les niveaux, que ce soit dans un club, un département, un comité, un pays, la montée vers le sommet d’un athlète a des effets bénéfiques. Ceci correspond au besoin pour chacun de s’identifier, de se reconnaître dans un exemple. Même si les vedettes ne sont pas les meilleures, leur nécessité ne fait plus de doute, surtout à l’époque actuelle : Poulidor pour le vélo, Jazy pour l’athlétisme, Platini pour le football, Noah pour le tennis ont quelle que soit l’opinion qu’on ait sur eux, ils font beaucoup pour la promotion du sport en étant pour les jeunes, des exemples.
Ici aussi, l’excès reste à craindre car la tendance pour certains est de prendre le négatif de ces gens connus. A cet égard, les Jeux Olympiques restent un exemple et un moment fort du sport. Très suivis dans le monde entier ; ainsi, ce n’est pas sans raison que les fédérations attachent tellement d’importances aux médailles car elles savent bien que cela frappe l’opinion et a des retombées sur le pays.
Mais à côté, l’initiative individuelle doit garder son pouvoir. Chacun pouvant ainsi venir librement et de manière volontaire vers le sport. Si pour les très jeunes, le phénomène d’identification reste fort, chacun, à partir des exemples qui lui sont donnés, doit décider en fonction de ses aspirations propres. Il faut montrer, suggérer, attirer, mais ne jamais contraindre. Car le résultat obtenu serait alors à l’opposé de celui espéré. Il faut une élite qui se dégage et que se développe le sport de masse, que chacun ait ancré en lui l’envie, le besoin de pratiquer un sport.
Pour arriver à cette finalité, il serait souhaitable de revenir aux sources. Que la vieille « éducation physique » soit remise au goût du jour. Tout d’abord, le sport à l’école, il faut le développer tant en qualité qu’en quantité. En qualité, cela veut dire que les heures consacrées aux disciplines sportives soit constructives et intéressantes pour l’élève et l’enseignant. Quantité, cela veut dire que l’on doit arriver à un système se rapprochant du système universitaire américain ou du système suédois qui consacre le matin aux études et l’après-midi au sport ou à la culture (ce système-là ne génère pas des ignorants ou des imbéciles).
Il faut ensuite développer le sport au niveau de la profession dans l’entreprise. Mais là aussi, il s’agit de susciter le désir pour penser à autre chose. Et c’est peut-être là la plus belle conquête du sport : attirer vers soi le plus de gens possibles à n’importe quel titre pour n’importe quelle raison et parfois sans raison.
VI. Conclusion
C’est donc à mon sens une double direction que doivent se fixer les gouvernants. Faire en sorte tout d’abord qu’un maximum d’enfants, d’adolescents, d’hommes et de femmes viennent de leur plein gré, vers les activités physiques les plus diverses. Chacun en ce domaine doit pouvoir aller là où il veut, pourvu qu’il aille quelque part.
Mais il faut veiller et encourager la détection et la formation d’une élite qui sert de moteur. Trouver le juste équilibre entre la base et le sommet entre le pratiquant totalement amateur et l’athlète de très haut niveau à qui doivent être proposés les moyens permettant son épanouissement et son accession vers le sommet. Faire en sorte que le sport soit reconnu non seulement d’utilité mais de « nécessité publique ».
Il y a déjà 2000 ans, les Romains avaient compris la nécessité d’un « esprit sain dans un corps sain ». Puisse aujourd’hui les hommes et ceux qui vont gouverner s’en souvenir.
Car notre fameux système D basé sur de frêles structures, sur l’amateurisme et le bénévolat, tiendra-t-il longtemps face à la mise en place de systèmes structurés, de la part de nos voisins et devant l’importance du phénomène sportif ?
Alors que chacun réfléchisse et réagisse.